Critique de « Quadratures » de Dominique Buisset

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On ne connaît pas grand chose de Dominique Buisset et c’est volontairement, semble-t-il, qu’il cache son identité. On dit tout de même qu’il n’a pas la télévision, qu’il est latiniste et helléniste, qu’il est né en 1945 et qu’il oscille entre Paris et la Corse quand l’envie lui prend. Mais c’est sans importance.

Ce qui importe par contre, c’est qu’il ait contribué activement à l’ensemble de la production poétique française des dernières années. Publié en 2010 par les éditions Nous, son recueil Quadratures confirme, si ce n’est pas déjà fait, sa place de grand parmi les grands. Il dépoussière la rime, redonne sa noblesse au poème chiffré, compté, rétablit la tradition dans le présent, la rend contemporaine.

À la fois savants et simples, ses vers puisent leur substance dans le classicisme, plus précisément dans l’épigramme, que Dominique Buisset maîtrise impeccablement, et dans la tradition française dont il emprunte les formes. Très à l’aise avec les structures figées, sa poésie détonne par la rigueur mathématique dont elle fait preuve, par sa géométrie parfaite, dans l’univers déstructuré de la poésie d’aujourd’hui.

Le recueil, découpé en six quadratures mineures introduisant chacune des motifs différents, des variations subtiles, nous rappelle toutefois, qu’avant tout, c’est la mélodie qui prime, cette mélodie chère à Verlaine qui ne s’exprime que jugulée, circonscrite par la forme. Étonnantes, érudites, résolument à contre courant, les Quadratures de Dominique Buisset réconcilient science littéraire et poésie, tradition et modernité, avec la simplicité des choses belles.

Alors qu’importe en effet qu’il ait la télévision ou qu’il sache le latin, « l’essentiel », comme il le dit si bien, n’est-il pas « là, dedans, parmi les feuilles » ?


En voici deux extraits. On vous laisse décider.

Clément dandélion


I. 21

Arborescence irrégulée
poussée des pages s’amoncelle
dans tous les sens apparemment
toujours le même balayé
en tas comme poussière ou feuille
morte d’attendre pour amant
le vent violent voyeur à l’œil
violet de l’encre jouvencelle.

II. 3

A demander toujours quoi de neuf
sous le soleil on oublie la nuit
des temps et sa parèdre la pluie
sans fin au ciel des siècles filants
d’éclats de bave le vieux néant
les ellipses des cycles si lents
Où le vide en silence se fuit
Seul s’enténèbre et se désennuie
Du jour plein de nouveau comme un œuf. »

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