Poésie – Benjamin Gagnon Chainey

COLIN MUIR DORWARD, MEALTIME, Huile sur toile,  84 X 84 pouces, 2012.
COLIN MUIR DORWARD, MEALTIME, Huile sur toile, 84 X 84 pouces, 2012.
http://www.patrickmikhailgallery.com/artists/colin-muir-dorward/

 

 


Du mythe à l’hipstérie


III. Xavier D.



King cans calées : nausée carabinée. « Tassez-vous j’m’en vais dégueuler! »

Sul ch’min, j’renverse un p’tit trucker à casquette : vol plané qualifié. Attention! Atterrissage forcé! « R’garde où tu vas, calice de frais chié! »; « T’as juste à r’garder où j’vais, calice d’illettré! » Osti moé les syndiqués qui boivent din tavernes au lieu d’travailler, j’ai ça dans l’cul ben enfoncé!

Aux WC, une seule cabine. Occupée. « Grouille-toé tabarnak! Grouille-toé! »

La porte s’ouvre pis qui cé qui apparaît d’vant moé?… Tu l’créras jamais! Les barniques cinégéniques en plastique! Ben oui toé! Le criss de fendant à Dolan!

« Qu’est-ce tu viens faire dans ma taverne de quartier toé?! Icitte c’pas une place à partouzes de gouges-bourges! C’pas un néo-panthéon d’colons d’Outremont! Pis c’t’encore moins un odéon pour quêteux d’picaillons, pour suceux d’fonds pour l’art et la culture de cons!

Osti que j’t’haïs, toé pis tes films de wannabe! La presse crie p’t-être au génie mais je l’sais moé, qui tu copies! Tes coloris criards : Almodovar! Tes romances enchevêtrées d’néo-pédés : Christophe Honoré!  Ton « Jules et Jim » pseudo-homo : François Truffaut! Pis tes plans décadrés, faut pas trop chercher : Gus Van Sant tout craché! T’es un copieur-imposteur Dolan! Une Lady Gaga du cinéma! Une plote à pop! Un orifice à box-office! Une fucking radasse rapace avec du foutre de clichés plein la face!

Tu nous cites Musset à l’excès pour donner du contexte à tes cons textes, du corps à tes mucors mais rien n’y fait Xavier! T’es rien qu’un vide livide avide! Un fucking raté pseudo-référencé ultra-daté! Une nouvelle Nouvelle Vague déjà dépassée! Un poster d’River Phoenix souillé de sperme de puceau crispé! Parce que tsé mon beau Xavier… Y suffit pas d’balancer des fragments d’un discours amoureux, ou d’faire manger des madeleines à tes personnages creux pour les rendre valeureux. Y suffit pas de citer pour s’approprier… D’évoquer pour être affilié…  Montaigne! Montaigne osti! Digère c’que tu lis! Vis c’que tu dis! Pis arrête de nous servir ton vômi d’enfant qui s’autodit maudit! Ta bouillie d’boulimique culturel pathétique, qui dégueule du veule en s’croyant d’la gueule! Qui chie d’la marde à parade! Pis qui éjacule d’la cinéphilis de sa p’tite queue sarbacane dans les culs à Cannes!

Parce que je l’sais, moé… Ils en r’demandent les bobos barjots des grands apéros! T’es leur fantasme anal de bacchanales! Leur face à claques qui vend en tabarnak! Leur p’tit autodidacte faussement décontracte qui a vite compris qui sucer à l’entracte! Mais moé là… Moé j’ai compris… J’ai tout compris c’tait quoi l’industrie : une pute-j’t’encule-tu m’encules! J’te broute le clit tu m’suces la bite! Les Festivals… Les Prix… Les Jurys… C’est d’la fucking auto-sodomie! Un ramassis d’chaudasses mercantiles versatiles! Une orgie de connivence collusive! De convergence cohésive! De criss de conne engeance régressive! Mais moé là… Moé j’serai jamais dupe d’la drupe! J’le vois ben l’noyau-fléau dans l’criss de fruit pourri d’notre critique d’la fornique endémique! Moé là… J’serai toujours au-d’ssus de c’te gamique! J’suis un ironique qui nique le fric! J’suis un artiste authentique cynique unique! Pis toé là… Toé pis ton fucking plagiat… Toé pis ta chlamydia d’glam medias Ben j’crache dessus, alléluia! »

À ces derniers mots, fouille-moi pourquoi, Xavier s’impatienta. Il remonta ses lunettes, replaça sa mèche et –  « Bang! Bang! » – il m’envoya son poing dans la face. Un jet de sang gicla sur le miroir, au ralenti, comme dans un film de Wong Kar-wai, version trashy. Sonné par le coup de poing, je remontai mes lunettes, replaçai ma mèche et – « Bang! Bang! » –  je lui rendis la pareille de toutes mes forces. Un autre jet de sang gicla sur le miroir et nous nous sautâmes alors dessus; gueulant, pinçant, mordant, arrachant… À la radio, c’était Noir Désir qui jouait (le groupe à Cantat, pas la chanson de Vive la Fête néo-électronica). Bientôt, nos chemises à carreaux furent réduites en lambeaux et nous continuâmes à nous battre férocement torses nus; griffant, écrasant, coinçant, frappant… La bave coulait… Le sang giclait… Et tout se passait au ralenti… Comme une scène de dripping à la Jackson Pollock, mais version moins artsy… que dans le film de qui?…

La chanson de Noir Désir se termina et soudain, la porte des WC s’ouvrit. C’était le trucker que j’avais renversé en courant jusqu’ici. En nous trouvant au sol l’un sur l’autre, torses nus, dégoulinants de bave et de sang, il se mit à rire comme un déchaîné : « Ah ben calice! Viens voir ça Bob! Nos donzelles-jumelles sont trop snobs pour se tolérer dans la même robe! Non mais c’est-ti pathétique calique! Ça s’bat comme des hystériques pis c’est même pas foutu de s’péter é barniques! Bougez-pas, m’a vous arranger ça! » C’est alors qu’il se pencha sur nous, nous arracha nos lunettes et – crack! – il les brisa d’un seul coup, là, en plein entre les verres, sur le nez-pont! Il nous lança les quatre morceaux dessus, cracha par terre et sortit en grommelant entre deux ricanements :

–       Pfffff! Fucking hipsters

–       Fuck you fucking loser!

Xavier et moi nous regardâmes alors perplexes. Bouches en sang, skinny tachés, mèches ébouriffées, Wayfarers cassées…


Identiques enlacés, nous venions de crier en simultané.


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