Hochelaga
Hochelaga, t’es comme une pute à rabais
Te galvanisant dans les rues de Montréal
Aux petites heures du matin
Personne ne fait attention à toi
et te laisse échancrée entre deux bennes à ordure
Au mieux, on te lance quelques cennes noires
parce qu’elles ne vaudront plus rien bientôt.
Hochelaga, tu vaux même pas un deux piasses
Pour un café qui goutte l’eau
Hochelaga, avec tes vieilles draperies de bourgeoise
Et ton maquillage fuchsia sur tes paupières flasques
Tu rappelles de force une histoire qu’on préfère oublier
Alors on te crache au visage
Pour couvrir les stigmates
Que tes anciens clients y ont laissés
Tu pues Hochelaga
T’es laitte
Avec tes morceaux qui partent au vent
Pis tes rues mal déneigées
Tu réchauffes personne
Quand on se colle sur ton dos par les grosses nuittes d’hiver
Avec toé, on s’ sent seul Hochelaga
On s’ sent pauvre dans tes loyers
On s’sent floué dans tes politiques
On s’sent étranger dans tes dépanneurs
On s’sent p’tit dans tes limites
Hochelaga, même pas game d’être une ville crisse
À peine un village
Hochelaga
T’es belle Hochelaga
L’été, quand tu trottines sur tes trottoirs
Avec les yeux vides et l’air hagard
d’un gars d’usine qui a perdu sa job
Je glisserais des plumes dans tes cheveux blancs
Pour t’appeler princesse en caressant tes courbes
Sans trop savoir où elles s’arrêtent dans tes vallées
T’es sexy Hochelaga
J’ai le goût de te fourrer en silence
Dans l’abri des joueurs
D’un terrain de baseball
Regarder
Ta peau brunir au soleil
Comme un éternel retour aux sources
Tu sens bon
Quand tu tends tes bras en corde à linge
Pour accueillir les brassées de blanc
Drapeau de ta faune à temps plein qui se mélange aux nuages
Hochelaga
J’aimerais taguer ta date de fondation
Dans les ruelles de tes blocs
Retranscrire
Tout ce que j’ai vu
Pis oublié
À l’encre noire sur ton flanc
Tu serais tes propres livres d’histoire
Matière plate, qu’on skippe pour aller fumer des joints
Tu es laide et belle à la fois Hochelaga
Et je t’aime
Comme une femme qui m’a vu naître