Poésie – Guillaume Siaudeau

MAMAN + MOI – PAPA

Aujourd’hui
je suis très content
Maman est
très contente
elle aussi

Maman a tué papa
J’ai aidé maman à
tuer papa
J’ai aidé maman à
le ranger
au fond du cellier

Maman a dit
quel bonheur

Maintenant
Nous allons pouvoir regarder
voler les papillons
dans la véranda

Quel bonheur
maman a dit
quel bonheur
Avant maman utilisait
les couteaux pour
découper la volaille
ou peler les légumes
ou couper les rubans
des papiers cadeaux
Maintenant
le couteau de maman
a aussi  coupé
le cou de papa

Cet après-midi
nous irons dans
le parc
sans papa
sans couteau
sans tout le sang
du corps de papa

Je suis content
d’aller au parc
Les papas
qui sont au parc
sont aussi gentils
que maman

Maman est arrivée
par derrière
papa démontait le grille-pain
maman est arrivée
par derrière
maman a coupé
le cou de papa

Papa est tombé
il a dit salope
tout bas
et maman n’a
rien dit du tout
moi non plus
je n’ai
rien dit du tout

Maman a posé le couteau
quel bonheur
ne plus avoir peur
de voir papa debout

Maman a dit
aide-moi à traîner
papa jusqu’au cellier

Papa était lourd
comme deux papas
ou plus
j’ai tiré
de toutes mes forces
maman a tiré
de toutes ses forces
et le corps de
papa a glissé

Il faisait noir
dans le cellier
je n’aurais pas voulu
qu’on m’enferme dans le cellier
mais quand on est mort
c’est pas pareil
alors maman
a tourné la clé
et c’est là qu’elle m’a dit

Ca te ferait plaisir
qu’on aille au parc ?

Oh oui
j’ai dit
oh oui
ça me ferait
vraiment plaisir
qu’on aille au parc

Maman s’est lavée les mains
j’ai lavé mes mains
quel bonheur
d’aller au parc
l’évier est devenu tout rouge
Comme quand maman
épluche des tomates
et qu’elle met du
jus dans l’évier

Elle a lavé le couteau
puis l’a remis
dans le tiroir
pour ne pas perdre
le couteau qui sert à
découper la volaille

Nous avons pris la voiture
il faisait beau et chaud
un bel après-midi
sans papa
sans
vous n’allez pas au parc
il n’en est pas question

Maman a roulé
doucement
maman était heureuse et
j’avais hâte
d’arriver au parc

Le ciel était bleu
comme les yeux de maman
comme le pull de papa
au fond du cellier
comme mes chaussettes
comme la voiture
de papa

Nous sommes arrivés au parc
je ne pensais plus à papa
D’autres enfants couraient
entre les arbres d’autres mamans
étaient assises
sur des bancs

J’ai été jouer avec
les autres enfants
et maman a été s’asseoir avec
les autres mamans
il n’y a que mon papa
qui n’a pas pu rejoindre
les autres papas
Ca ne m’a pas rendu triste

Nous sommes rentrés
pour manger
papa dormait toujours
Maman a dit
tu sais papa va dormir
très longtemps
J’ai répondu
tant pis
tant mieux
pendant que papa dort
on peut aller au parc
et manger des tartes aux mûres
il ne faut pas le réveiller

Maman a pris ma main
dans la sienne
et nous sommes sortis
ensemble dans la nuit
pour voir si elle était
plus douce sans papa

Guillaume Siaudeau

Son blogue: ICI

Guillaume Siaudeau est né en 1980 et a déjà publié « Poèmes pour les chats borgnes » aux éditions Asphodèle, « Boucle d’oeil » aux éditions Nuit Myrtide, « Quelques Crevasses » aux éditions du Petit Véhicule, et « La nuit se bat sans nous », aux éditions Le Coudrier. Il est le créateur de la revue de poésie « Charogne », aujourd’hui éditée par les éditions Asphodèle. On peut aussi retrouver ses écrits sur son blog : lameduseetlerenard.blogspot.com

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