Chronologie fictive d’une fin de régime (un texte qui n’incite à rien, sinon à lire et méditer sur le sujet)

Jean-Simon DesRochers, Collaboration spéciale.

24 mai : Après deux jours de silence, malgré le nombre impressionnant de manifestants pacifiques qui marchent dans les rues de Montréal le 22 mai, le gouvernement Charest refuse toujours de négocier avec les étudiants sous prétexte qu’ils ne représentent plus le mouvement de manifestation.


30 mai : Outrés et indignés par le mépris gouvernemental, les citoyens poursuivent les manifestations nocturnes. Malheureusement, celles-ci tournent à l’émeute. Avec l’arrivée prochaine du grand prix de formule 1, le maire de Montréal impose un couvre-feu.


31 mai : Seuls les manifestants ne respectent pas le couvre-feu. La chambre de commerce de Montréal implore le maire de revenir sur sa décision : en pleine saison touristique, l’impossibilité de circuler après 22h leur cause d’importantes pertes financières.


1 juin : Jean Charest n’a toujours pas fait de sortie publique depuis le passage de la loi 78. Des rumeurs de dépression nerveuse circulent parmi les journalistes de l’Assemblée nationale. Le soir même, lors d’une énième manifestation nocturne qui vire à l’émeute, les agents du SPVM commettent l’irréparable. Leurs actions causent la mort non pas d’un, mais de trois personnes, deux d’entre elles étant des touristes états-uniens.


2 juin : Suite à une modification de la loi 78 par la ministre de l’Éducation (tel que le permet l’article 9), les journalistes de CUTV sont accusés d’incitation à la violence pour avoir diffusé en streaming la mort des touristes états-uniens et sont détenus jusqu’à leur procès. En trame de fond, la commission Charbonneau engrange les témoignages suggérant que la corruption au sein du PLQ atteint des proportions insoupçonnées.


3 juin : Le premier ministre sort enfin de sa cachette et livre un discours où il maintient la ligne dure malgré trois sondages indiquant un taux d’approbation général de 22%. Plusieurs notent la pâleur de sa peau ainsi que l’apparition de tics nerveux.


4 juin : Depuis les morts, les manifestations nocturnes sont devenues des veillées funèbres, ce qui n’empêche pas le SPVM d’arrêter quotidiennement plusieurs centaines de personnes. À Montréal, la chambre de commerce effectue des sorties médiatiques quotidiennes pour demander la levée du couvre-feu.


5 juin : Une lettre signée d’à peu près tous les éditorialistes et blogueurs influents de la province intime le premier ministre de révoquer la loi 78, de déclarer un moratoire sur les frais de scolarité et d’annoncer des élections en septembre pour afin de rétablir la paix sociale. Plusieurs s’étonnent devant la cohabitation de noms tels que Jean-François Lisée, Richard Martineau, Jean-Robert Sansfaçon, Éric Duhaime, Josée Boileau, Patrick Lagacé, Josée Legault, André Pratte, Jean Barbe et Mario Dumont.


6 juin : Aucune réaction à la lettre venant du bureau du premier ministre. Les manifestations nocturnes continuent. Au sein du SPVM, plusieurs cas de stress post-traumatique et de burn-out apparaissent. Les rumeurs d’application de la loi des mesures d’urgence gagnent en persistance sur les réseaux sociaux. Contrairement aux premières rumeurs, le bureau du premier ministre n’émet aucun communiqué à ce sujet.


7 juin : Ne voulant pas perdre d’autres dollars touristiques, l’administration Tremblay lève le couvre-feu pour la période du grand prix. Le soir venu, une manifestation nocturne de 25 000 personnes supplante les capacités de contentions du SPVM. On note la présence de casseurs venus de l’étranger parmi les individus arrêtés. Un journaliste à RDI parle de touristes-casseurs.


8 juin : Une manifestation légale rassemble plus de 100 000 personnes à proximité du site du grand-prix. Aucune intervention policière n’est nécessaire, ambiance festive malgré la tension.


9 juin : Même type de manifestation que la veille. Les médias internationaux observent, présentant la catastrophe.


10 juin : Dans une manifestation rassemblant 250 000 personnes, une rumeur suggère que Jean Charest assisterait au grand-prix. Près du vingtième des manifestants parviennent à s’introduire sur le circuit Gilles-Villeneuve et s’assoient sur la piste en chantant «Charest, Wou-hou». L’antiémeute intervient, les manifestants restent assis, pacifiques. Contraintes par la loi 78, les forces policières du SPVM et de la SQ sont contraintes à user de la force. Les images de brutalité font le tour du monde.


11 juin : Malgré la pluie, l’orage et le retour du couvre-feu, plus de 10 000 personnes marchent dans les rues de Montréal. De sérieuses rumeurs courent sur la santé mentale du premier ministre. De nombreuses arrestations ont lieu. Dans le cadre des élections complémentaires dans Argenteuil et LaFontaine, le PQ remporte ces deux comptés.


12 juin : Coup de théâtre à l’Assemblée nationale, les députés vétérans Pierre Paradis et Henri-François Gautrin démissionnent de leurs postes, ne laissant que 59 sièges au PLQ. Dès l’après-midi, le député péquiste Bernard Drainville dépose une motion de défiance envers le gouvernement. Le soir même une manifestation monstre s’improvise dans les rues de Montréal. Aucune casse ne se produit, le gens chantent, dansent. Malgré la loi 78, la police tolère l’événement.


13 juin : Les positions sont claires. Seul François Legault laisse planer un doute sur la pertinence de faire tomber le gouvernement en plein été. Un sondage publié le matin même place la CAQ à égalité avec le PLQ, loin derrière le PQ. Lors de la manifestation de nuit, les chants sont remplacés par «Legault, Wou-hou».


14 juin : Le vote à l’Assemblée nationale a lieu. Les analystes et commentateurs remarquent l’absence de trois députés libéraux, dont Michelle Courchesne. Ne voulant pas porter le poids de la décision, Legault laisse ses députés voter librement. À sa grande surprise, ils votent en faveur de la motion de défiance. Le gouvernement est défait. Aussitôt, à Montréal, Québec, Gatineau, Trois-Rivière, Sherbrooke, Chicoutimi, Rimouski, Rouyn-Noranda et Gaspé, des dizaines de milliers de personnes célèbrent dans les rues. La police n’intervient pas.


15 juin : Le DGE fixe la date des élections au 13 août. Plusieurs ministres et députés du PLQ (entres autres, Michelle Courchesne, Clément Gignac et Yves Bolduc) annoncent qu’ils ne se représentent pas.


16 juin : Les membres d’associations étudiantes sont conviés à cibler les comptés à faible majorité pour le PLQ ainsi qu’à s’impliquer au sein des partis aptes à battre le PLQ. Les permanences de Québec Solidaire et du Parti Québécois sont envahies d’appels. La mobilisation se déplace.


17 juin : QS et le PQ s’entendent pour ne pas présenter de candidats dans les comptés des chefs. Des pourparlers ont lieu pour faire de même dans les comptés où le vote risque d’être divisé.


18 juin : Le couvre-feu est finalement levé à Montréal. Il n’y avait plus de manifestations, mais des procédures légales complexifiaient les tâches de l’administration Tremblay.


19 juin au 12 août : Sans prétendre au sans-faute, Pauline Marois mène la meilleure campagne électorale de sa carrière. À Ottawa, les actions du gouvernement Harper provoquent une nette remontée de l’indépendance. Legault et la CAQ doit constamment justifier leur vote pour la loi 78 et l’hésitation sur la motion de défiance. La CAQ se retrouve en deuxième place, 14% derrière le PQ. Fait notable, dans la grande région de Montréal, QS se trouve parfois à égalité avec la CAQ, parfois deuxième. Khadir et David mènent une campagne axée sur la réparation de la paix sociale par la justice sociale. Le PLQ résiste dans quelques comptés traditionnels, mais à la veille des élections, les analystes prédisent une débâcle.


13 août : Le PQ remporte 71 sièges et forme un gouvernement majoritaire. Dans la circonscription de Sherbrooke, Jean Charest termine troisième, derrière le PQ et la CAQ. Dans son discours de la victoire, Pauline Marois, première femme à diriger le Québec, reconfirme que ses premières actions seront d’abolir la loi 78 et d’annuler la hausse de frais de scolarité. Le parterre l’applaudit à tout rompre.


14 août : Sans surprise, Jean Charest annonce sa démission en tant que chef du PLQ. Jean-Marc Fournier assume l’intérim. Plusieurs rumeurs avancent que Pierre Moreau serait seul en course. Raymond Bachand affirme être en réflexion.


15 août : Assermentation. Le conseil des ministres comprend, entre autres, Marie Malavoy à l’Éducation, Bernard Drainville à la Santé, Véronique Hivon à la Justice, Nicolas Marceau aux Finances, Scott McKay à l’Environnement et Maka Kotto à la Culture. C’est avec le sourire que les journalistes réagissent à l’annonce que la première ministre, comme son prédécesseur, se réserver le ministère de la Jeunesse.


3 sept : Après une relâche, la commission Charbonneau reprend ses travaux. Plusieurs ex-ministres, ex-députés et ex-attachés politiques sont appelés. À Radio-Canada, Enquête révèle de nouveaux scandales qui visent le PLQ et l’administration Tremblay.


10 sept : À sa première intervention à l’Assemblée nationale, Françoise David propose la création d’une commission d’enquête sur la gestion gouvernementale et policière de la grève étudiante. La motion est adoptée à la majorité.


15 février 2013 : Un an jour pour jour après le début des grèves étudiantes s’ouvre la commission Masson.


21 février : Première apparition publique de Jean Charest depuis sa défaite. Il fait des blagues. Il semble détendu. Il rejette la responsabilité de gestion de la crise sur Line Beauchamp et Michèle Courchesne


10 juin : Jean Charest est nommé au sénat canadien par Stephen Harper.


12 juin : Un sondage donne le OUI gagnant à 56%. Des rumeurs de référendum se répandent.


Et pour le reste, rêvons. Les fictions n’obéissent à aucune loi officielle.



Jean-Simon DesRochers

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