La rubrique Des nouvelles de Ma mère était hipster retrace, chaque mercredi, nos articles coups de coeur de ce site culturel montréalais qu’on aime d’amour.
Vous retrouvez l’article original ici, sur mamereetaithipster.com
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Assister à la lecture de la nouvelle pièce d’un jeune auteur m’intrigue toujours un peu. En fait, je passe la journée à me demander dans quel univers je vais me retrouver. Celui dans lequel m’a plongée Olivier Sylvestre était déroutant et je dois l’admettre très peu familier pour moi : le monde du queer et des transgenres.
Résumé de la pièce :
On entend la rumeur de la musique, au loin, par-delà les vitres bouchées. Dehors, c’est novembre, à l’intérieur, c’est la liberté. Elles, ils, à moitié garçons, pas tout à fait filles, parfaits entre-deux, sont là, se rassemblent dans l’entrepôt, toujours le même, qu’on retrouve en se perdant. Pour chercher l’amour. Fred veut ravoir ce qu’il a vécu jadis, Ian veut vivre ce qu’il n’a jamais vécu, Alexe veut sentir l’ultime frisson et Gaby veut se sacrifier pour eux. On accroche la peau de l’autre sur soi, mais peut-on jamais sortir de son propre corps? Dans l’univers de l’indéfinissable, la beauté peut-elle triompher?
Dès les premières répliques, le rythme est lancé : un rythme vif et entraînant ponctué tout au long par la musique électronique. Dans l’entrepôt où ils se rassemblent la nuit pour y faire des rencontres, on y suit les personnages à travers leur quête de l’amour. On y entrevoit aussi ce qu’est de ne pas se sentir dans le bon corps. Avec humour et franchise, les personnages nous racontent leur soirée sadomasochiste où le sexe prend des allures de mise en scène, de jeu. Cet entrepôt où on peut se permettre d’être tout simplement soit, loin du regard de la société et de ses conventions. Fred et Ian, y veulent la même chose : Alexe. On saisit ainsi toute la souffrance de ne pas être vu par la personne aimée.
Malgré mon ignorance face à tout ce qui touche le queer et les transgenres, je me suis laissée embarquer dans la pièce, emportée dans cet univers trash et beau. En 1 heure, Olivier Sylvestre nous présente des personnages profonds et riches, nous laissant entrer dans leur passé et apercevoir leurs démons : Fred amoureux d’Alexe depuis l’enfance, Alexe qui porte le poids du viol, Ian coincé dans sa timidité et les tourments de Gaby. Luc Arsenault (Gaby) livre une formidable performance qui m’a clouée sur ma chaise lorsque son personnage donne naissance dans un cri puissant – on s’entend c’est une métaphore – à Kim. Cette dernière à la foi mi-homme, mi- femme, pas réellement présente sur scène, est à l’image de tous les fantasmes des personnages, une forme d’idéale, d’amour absolu que tous s’arrachent. Elle a grandi en Gaby, la somme de toutes ses craintes et ses doutes, son testament qu’elle laisse aux autres.
Malheureusement, l’arrivée de Kim, bien que magnifique, brouille les cartes. On se perd dans les dédales du texte, en se demandant où l’auteur veut nous amener et ce qu’il cherche à nous dire. Par chance, nous avons pu assister à une discussion avec l’auteur et les comédiens ce qui a permis d’éclaircir les zones d’ombres.
La fabrication de l’amour ne se veut pas une pièce éducative – comme l’a précisé Olivier Sylvestre lors de la discussion – mais elle permet tout de même de découvrir une réalité encore peu connue. Malgré tout, j’ai eu un réel plaisir à me perdre dans les labyrinthes de cet entrepôt. Je vous encourage à aller voir cette pièce dès qu’elle sera mise en scène.
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Marianne Renaud