Poésie – Jean-Sébastien Larouche

TEST D’ANIMOSITÉ


svp

dites-moi d’fermer ma gueule

 

j’m’en crisse

j’m’encrasse

j’ai la tête comme un maracas

j’ai peur de répondre aux e-mails

pis au téléphone

j’ai pus d’fun

la mèche est éteinte

la bombe est intacte


dites-moi d’fermer ma gueule

parce que j’ai des steaks tendres

sous la doublure de mon coat

que j’attends juste d’étendre sur vos bobos

pendant qu’vous r’gardez les miens

que vous les écoutez comme si de rien

comme si

y’avaient quèque chose à vous dire

comme…


dites-moi d’fermer ma gueule

j’aime les bolts ½ et les robes de nuit

j’m’ennuie des spaghettis au beurre

de ma mère gratinée aux patates

que j’ai pas peur des araignées

mais qu’j’haïs les mille-pattes à en freaker


dites-moi d’fermer ma gueule

comme j’aurais dû

dans l’entrée de mon escalier

à -40 Celsius

la chicks de l’Unicef

qui faisait son laïus

pendant vingt minutes dans l’frette

pour que j’finisse ben drette

par y dire que j’en ai rien à crisser

des enfants-soldats

des kids dans misère sida

biafras sous la hutte


dites-moi d’fermer ma gueule

parce que j’ai cette plante

que j’laisse mourir dans un coin sombre

juste pour voir combien d’temps qu’a va toffer

un peu d’soleil rideaux fermés

horticulture sadique perturbée


dites-moi d’fermer ma gueule

parce qu’on m’a déjà dit qu’y fallait

que j’relise Denis Vanier

quand j’l’avais même

jamais lu encore

parce qu’à 16 ans

j’scorais d’l’acide au Surf & Turf à Longueuil

de Verdun à Vaudreuil

j’poétisais déjà

d’la bouette au firmament

des émeraudes de bouchons d’bouteilles de bière

des coins d’rues où j’ai perdu

la mémoire des moments

où j’riais spontanément


dites-moi d’fermer ma gueule

parce que j’fais des longueurs dans le Styx

depuis ben trop longtemps

et j’prends l’amour qu’on m’donne

et j’l’écrabouille comme

une coccinelle dans

une craque de trottoir où un drunk

avec des ailes trébuche

comme on a tous éventré

des oursons en p’luche

en disant à nos parents :


dites-moi d’fermer ma gueule


j’ai gigué sur des livres

punché un docteur

scrapé des amitiés

collectionné des lighters vides

en Clockwork Orange

s’‘a mescaline

violé des sépultures

volé des roses de cimetière

pour une danseuse de ballet

j’ai astiqué des obus

eu ma palette de bières

privée au dépanneur

fais des shotguns à un furet

-étranglé mort de munchies-

kické un caniche

l’autre bord de la clôture

couché en plein milieu d’la rue

s’‘a vodka

s’‘a ligne jaune pointillée

j’ai chanté He’s a Mighty Good Leader

pour finir par crier


dites-moi d’fermer ma gueule!


parce que j’vas continuer

à vous pitcher

des conscriptions d’bouteilles de vin

des consolations de mojitos

des constipations de toasts beurrées

à confiture de slam

framboises et ail

caramel et clams

dans vos oreilles

pour vous susurrer

pour vous rassurer


dites-moi d’fermer ma gueule


dites-moi d’fermer ma gueule.




Né en 1973, à Sainte-Foy, Québec, Jean-Sébastien Larouche a publié trois recueils de poèmes, chez Lanctôt Éditeur, dont Dacnomanie pour lequel il a été finaliste au Prix Émile-Nelligan 2000. Depuis 1995, Larouche a offert maintes lectures-performances, envahissant les scènes de sa fougue et de son verbe direct, parfois accompagné de musiciens tels Nomad Nabo, Éric Goulet, Loco Locass, La Part maudite ou Two Dollar Motel. En 2007, il a remporté le tout premier Grand Slam National de Poésie et a eu l’honneur de représenter le Québec à la Coupe du Monde de Slam-Poésie, en France.

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