TEST D’ANIMOSITÉ
svp
dites-moi d’fermer ma gueule
j’m’en crisse
j’m’encrasse
j’ai la tête comme un maracas
j’ai peur de répondre aux e-mails
pis au téléphone
j’ai pus d’fun
la mèche est éteinte
la bombe est intacte
dites-moi d’fermer ma gueule
parce que j’ai des steaks tendres
sous la doublure de mon coat
que j’attends juste d’étendre sur vos bobos
pendant qu’vous r’gardez les miens
que vous les écoutez comme si de rien
comme si
y’avaient quèque chose à vous dire
comme…
dites-moi d’fermer ma gueule
j’aime les bolts ½ et les robes de nuit
j’m’ennuie des spaghettis au beurre
de ma mère gratinée aux patates
que j’ai pas peur des araignées
mais qu’j’haïs les mille-pattes à en freaker
dites-moi d’fermer ma gueule
comme j’aurais dû
dans l’entrée de mon escalier
à -40 Celsius
la chicks de l’Unicef
qui faisait son laïus
pendant vingt minutes dans l’frette
pour que j’finisse ben drette
par y dire que j’en ai rien à crisser
des enfants-soldats
des kids dans misère sida
biafras sous la hutte
dites-moi d’fermer ma gueule
parce que j’ai cette plante
que j’laisse mourir dans un coin sombre
juste pour voir combien d’temps qu’a va toffer
un peu d’soleil rideaux fermés
horticulture sadique perturbée
dites-moi d’fermer ma gueule
parce qu’on m’a déjà dit qu’y fallait
que j’relise Denis Vanier
quand j’l’avais même
jamais lu encore
parce qu’à 16 ans
j’scorais d’l’acide au Surf & Turf à Longueuil
de Verdun à Vaudreuil
j’poétisais déjà
d’la bouette au firmament
des émeraudes de bouchons d’bouteilles de bière
des coins d’rues où j’ai perdu
la mémoire des moments
où j’riais spontanément
dites-moi d’fermer ma gueule
parce que j’fais des longueurs dans le Styx
depuis ben trop longtemps
et j’prends l’amour qu’on m’donne
et j’l’écrabouille comme
une coccinelle dans
une craque de trottoir où un drunk
avec des ailes trébuche
comme on a tous éventré
des oursons en p’luche
en disant à nos parents :
dites-moi d’fermer ma gueule
j’ai gigué sur des livres
punché un docteur
scrapé des amitiés
collectionné des lighters vides
en Clockwork Orange
s’‘a mescaline
violé des sépultures
volé des roses de cimetière
pour une danseuse de ballet
j’ai astiqué des obus
eu ma palette de bières
privée au dépanneur
fais des shotguns à un furet
-étranglé mort de munchies-
kické un caniche
l’autre bord de la clôture
couché en plein milieu d’la rue
s’‘a vodka
s’‘a ligne jaune pointillée
j’ai chanté He’s a Mighty Good Leader
pour finir par crier
dites-moi d’fermer ma gueule!
parce que j’vas continuer
à vous pitcher
des conscriptions d’bouteilles de vin
des consolations de mojitos
des constipations de toasts beurrées
à confiture de slam
framboises et ail
caramel et clams
dans vos oreilles
pour vous susurrer
pour vous rassurer
dites-moi d’fermer ma gueule
dites-moi d’fermer ma gueule.
Né en 1973, à Sainte-Foy, Québec, Jean-Sébastien Larouche a publié trois recueils de poèmes, chez Lanctôt Éditeur, dont Dacnomanie pour lequel il a été finaliste au Prix Émile-Nelligan 2000. Depuis 1995, Larouche a offert maintes lectures-performances, envahissant les scènes de sa fougue et de son verbe direct, parfois accompagné de musiciens tels Nomad Nabo, Éric Goulet, Loco Locass, La Part maudite ou Two Dollar Motel. En 2007, il a remporté le tout premier Grand Slam National de Poésie et a eu l’honneur de représenter le Québec à la Coupe du Monde de Slam-Poésie, en France.