La rubrique Des nouvelles de Ma mère était hipster retrace, chaque mercredi, nos articles coups de coeur de ce site culturel montréalais qu’on aime d’amour.
Vous retrouvez l’article original ici, sur mamereetaithipster.com
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Cette année, le Symposium international d’art contemporain de Baie Saint-Paul fête ses 30 ans avec Serge Murphy comme commissaire et une thématique bien singulière nommée: Je fixais des vertiges. Ce choix de thème, inspiré du fameux recueil de poésie “Une saison en enfer” de Rimbaud, s’explique comme une polarité entre le vide et l’excès. C’est donc douze artistes qui ont été conviés au Symposium cette année afin d’y explorer l’un et/ou l’autre de ces pôles créateurs.
L’événement prend place dans un aréna au coeur de la ville et les artistes sont installés dans des îlots qu’ils peuvent utiliser à leur guise. L’idée est simple: le projet doit évoluer pendant le mois complet que dure le symposium. Ce sont donc des artistes en pleine création que l’on vous convie à voir dans cet espace. Installés cette fois en un cercle, les différents kiosques se font face et les visiteurs sont invités à déambuler en ordre ou en désordre parmi les douze propositions. Et on y retrouve des pratiques réellement très diverses: peinture, art conceptuel, installation, sculpture, vidéo, etc. Certaines oeuvres ont une démarche extrêmement intime, d’autres sont véritablement des explorations du médium en soi.
Quelques oeuvres que j’ai trouvé fort intéressantes:
Tami Campbell propose au visiteur de s’intéresser à l’acte créateur comme geste technique. En effet, celle-ci propose une série de cartons sur lesquels elle peint de faux rubans adhésifs. L’effet est à s’y méprendre et questionne la matière comme canevas et comme matériau dans cette forme très particulière de trompe-l’oeil, si l’on peut appeler cela ainsi.
J’y allais beaucoup pour voir le projet de Marc-Antoine K. Phaneuf, un artiste qui s’intéresse à la culture populaire et dont les oeuvres permettent une interaction directe et, je dirais nécessaire avec le public. Pour cette occasion, il a décidé d’utiliser les quelque 300 romans Harlequin qu’il a trouvés au hasard d’une vente de garage. L’idée paraît simple, mais exige pourtant un travail de moine de la part de l’artiste: feuilleter les bouquins et recréer un livre entier à partir de pages éparses de chacun de ces livres. Et, évidemment que les phrases reconstituées fonctionnent les unes entre les autres. Travail à la fois d’archive, forme d’étude analytique du roman à l’eau de rose afin d’en dégager les composantes récurrentes, étant donné que les structures narratives et le style d’écriture demeurent sensiblement les mêmes d’un bouquin à l’autre, l’artiste se retrouve aussi dans une forme d’art relationnel qui prend tout son sens avec les diverses réactions des visiteurs. Une publication suivra probablement le projet, à surveiller donc.
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Autre coup de coeur, l’oeuvre de Jonathan Plante, que l’on a connu, entre autres, pour sa participation à la Triennale d’art contemporain en 2008. Il utilise à nouveau le ruban adhésif pour créer une oeuvre vidéo. D’une durée de 3 minutes, celle-ci nous montre un personnage – ayant une forme humaine entièrement constituée de ruban transparent – qui évolue dans un espace blanc. Grâce à un jeu entre la transparence du médium et la blancheur du mur, le petit film nous montre les allers et retours du personnage dans l’espace de représentation et son corps qui traverse le mur, en partie ou en entier. L’artiste a utilisé 2800 images et 1,4 km de ruban pour réaliser son oeuvre. Le résultat final est franchement réussi et possède quelque chose de ludique et touchant à la fois.
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Je terminerai en nommant Jim Holyoak. Participant à la seconde Triennale d’art contemporain du MACM (2011), cet artiste propose un univers assez bordélique dans lequel se retrouvent dessin, écriture, mythologie, souvenirs et mise en scène. Holyoak nous convie dans une forme de labyrinthe où l’on est invité à pénétré afin de s’enfoncer à l’intérieur de cet environnement où habite un personnage troglodyte – l’artiste lui-même déguisé en une sorte de scientifique déluré – et où l’on retrouve des tunnels formés de centaines de papiers accrochés un peu partout. Des dessins s’entremêlent à des écrits, et tous ces papiers sont des notes et esquisses cumulés par l’artiste dans les trois dernières années. On a un peu l’impression d’entrer dans la demeure d’un dérangé, du moins un esprit obsédé par l’idée d’accumulation. L’ensemble est très efficace et, fidèle au thème, plutôt vertigineux. Beaucoup aimé cet univers étrange.
N’ayant pas connu les éditions antérieures, puisqu’il s’agissait de ma première visite au Symposium, il m’est difficile de me prononcer quant à la qualité de cette édition par rapport à une autre. Une amie qui m’accompagnait trouvait cette version 2012 plutôt sage…. ce qui me donne d’autant plus le goût d’y retourner l’année prochaine pour voir ce qui s’y passera. Un principe fort intéressant, en tous cas, que ce symposium. Une belle occasion de voir des artistes créer, de découvrir l’évolution d’un projet artistique un peu sous le principe d’atelier à aire ouverte, et, qui plus est, dans un lieu charmant comme Baie Saint-Paul. Bref, on aime.