H – Laurence Gough

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Poème sale a demandé à 52 auteurs d’écrire sous l’influence du bavardage. Lisez leurs textes du 1er au 28 février 2013. Retrouvez les textes publiés antérieurement dans notre Table des matières




Harmonica


Je ne suis pas de celles qui parlent, qui écrivent fort, lancées dans le monde, téméraires face à l’écran. Moi c’est un pied dedans, un pied dehors, un poing devant la bouche comme ça les mots restent près.

J’ai un poing devant la bouche, c’est pour pouvoir la caresser. Vas-y, t’as le droit d’écrire. Les gens rient, ils sourient, on te like-like-like-like, allez bébé. Mais comme j’avance vers les mots ils se vident ; il faut les remplir, je ne m’y fais pas.

Le poing devant la bouche, c’est un peu un harmonica. Ça ne l’est pas : la main est vide. Elle va et vient, phalanges contre lèvres ; le mouvement est horizontal. Regarde, c’est un harmonica mais ça ne l’est pas, la main est vide. Anches, doigts ; métal, peau. Le souffle passe dans les craques, quelque chose se forme mais c’est croche. L’harmonica, c’est quand j’écris en m’excusant.

Il y a quelques semaines, j’ai passé un après-midi à me lire en boucle un poème de Bukowski où rien d’important ne se jouait, sauf de la bonne musique :


“oh no,” said all the little

girls in their red and green see-

through dresses. “oh no,” said

all the little girls in their tight blue

jeans with little sewn hearts on them.

“oh no,” said all the little girls,

“please read

more poems!”


Pendant qu’à moi, petite fille, je relisais le poème, il se changeait en chanson : en revenant, ses vers devenaient des refrains. Encore et encore ; à force, mes hanches tanguaient, mes épaules roulaient.

J’ai déposé le livre, mon harmonica, je me suis mise au piano.

Si j’écris encore, c’est pour les heures où l’harmonica se tasse, où c’est du piano que je joue ; les heures où ça se passe, où moi aussi j’écris de la bonne musique.


Cette fois-là, ça feelait shoegaze.




*L’extrait du poème « All The Little Girls » est tiré du recueil The People Look Like Flowers At Last de Charles Bukowski.




Laurence Gough est née en 1984 à Saint-Romuald, a grandi à Sainte-Julie, a passé beaucoup de temps à Miguasha et habite à Montréal. Elle effectue présentement à l’UQAM une maîtrise en études littéraires, profil création et enseigne à l’Université du Troisième Âge à Boucherville. Son premier roman, En région arctique et ailleurs, est paru en 2011 aux éditions Marchand de feuilles. Elle a aussi écrit pour Zinc, Moebius, Poème Sale, Biscuit Chinois et Virages.







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