Poésie – Christian Blanchet

Gros Sarge

Trois oeufs sunny side up posés sur un bottom de deux tranches singles oranges, comme d’habitude. Des patates déjeuners on the side, avec du ketchup, du Heinz, de la mayo, pas du salad dressing, de la vraie mayo qui goûte rien. Encore un café s’il te plaît. Des bines au lard avec du sirop. Des saucisses, du bacon en masse, du jambon. Trois petites crêpes avec du beurre. Pas de jus, pas de lait. Pas d’osties de légumes, pas de fruits du tabarnak. Pain blanc. Je sais comment tiper, ma belle Françoise, tu me connais.


Tu sais, chaque fois que je vire par Lanaudière au matin, championne, je passe par chez vous. J’arrange mon horaire comme je veux. Pense pas mal mais ça doit être à cause de comment tu ris fort . Tu devrais faire des annonces avec un sourire de même, j’achèterais ta marque de pâte à dents, officiel. La route ? C’est du millage. J’ai changé mon banc deux mois passés, ça a couté cher, pas de problèmes à payer, mais c’est comme si mon mal du bas du dos avait remonté de trois pouces. Je m’habitue pas au confort.


Toé, excuse-moi, toi, ça roule ton terrain ? Ah bâtard, y’inventent des permis de taxes pour n’importe quoi. Tu devrais planter du pote, ça paye toute. J’y connais rien moi non plus, je fume pas, mais Québec le sait que sans dope, fini leurs jobs, toutes des crosseurs. Sont belles tes dents. Sont pas toutes croches, où c’est que tu t’en vas ? Ta bouche c’est ta bouche, tu te contes des histoires. La mienne t’en conte-tu ?


Bon, j’ai une load pour Trois-Rivières pour onze heures. C’est certain que je va revenir, faut bien que je mange ! Tu vas pas changer de job, j’espère. Juste pour tes beaux yeux, m’en va regarder mes voyagements, j’irai voir ton terrain si t’as le goût, je connais ça les terrains pis le reste.




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