Poésie – Paméla

Micheal Fanta, Skeleto, huile sur toile, 145 x 180cm, 2011


L’amant, de Paméla (et de bien d’autres)

 

 

« […] et elle n’avait pas été sûre tout à coup de ne pas l’avoir aimé d’un amour qu’elle n’avait pas vu parce qu’il s’était perdu dans l’histoire comme de l’eau dans le sable […] »

Marguerite Duras

 




 

Je me souviens toutes ces fois où j’ai été dans tes bras. Là où mon corps et mon cœur sont devenus femme, et où le tien, ton corps, car de cœur tu étais anorexique, s’est transformé en amant. Le mien.


Creux. Lourd comme une plume. En apesanteur entre la vie et le désir de crever de désir. Lové contre le torse de l’amant, il ne pesait rien, le cœur de la femme. Et pourtant elle le devinait déjà empoisonné de cent poids. Plein à ras bord de ce qui n’avait aucune charge réelle : des peurs et des angoisses. Et de l’amour. Beaucoup trop, probablement.


Je me rappelle le vide. La carence de tout. La mienne. La tienne. L’écho de cette carence dans mes veines. Mon cœur qui pompait son propre manque. Sa propre anémie. Qui pompait pour deux, à vrai dire. Qui pompait dans le vide. Mon cœur aux côtes saillantes, coupantes. À côté du tien qui n’y était pas. À côté de rien. Mon cœur, prêt à t’aimer jusqu’à la faim. Jusqu’à plus fin.


Lorsque l’amant lui faisait l’amour, la femme souhaitait être quelqu’un d’autre. Elle avait envie d’arriver à la cheville de quelqu’une. D’être celle à qui l’amant pensait pendant qu’il la baisait. De crever grosse comme une truie enceinte d’amours et de jouissances à défaut de vivre comme une coquille vide. Maigre et désolante qu’elle était. Elle aurait accepté n’importe quel nom, même si ce n’était pas le sien. Elle aurait tout accepté, pour ne pas finir comme lui. Pour ne pas mourir avant de se sentir en vie.


Et quand tu en avais fini avec moi, tu m’embrassais sur le front. Un baiser vide de sens comme seul toi en étais capable. Un baiser vide d’amour. Comme tout le reste.


Elle qui croyait se frayer un chemin n’allait nulle part. Sauf dans le néant de l’homme. Un endroit parfait pour crever de faim. Un néant exigu et maigre, avorté d’amour, où il n’y avait de place pour rien. Elle qui croyait vivre cent vies nouvelles se crevait. Lentement. Au gré de coups de reins mous et robotiques. Elle s’est abandonnée entre deux cuisses flasques et habituées, leurrée par la passion et l’impression d’exister. Elle a abandonné. Tout. Son cœur et son corps. Et ses ailles, pour s’enfuir.


Toujours moi. Pleine. Rembourrée d’amour. Gavée de peur. Débordante d’envies qui, je croyais, me prouvait en vie. Toujours moi. Pleine de toi.


Toujours toi. Vide. Ton corps de poisson mort où seul ton entre-jambes trouvait encore un peu de volonté d’exister. Ton corps de poisson mort qui me faisait vibrer, pourtant. Je me demande encore sur quelles cordes tu tirais pour m’en soutirer autant.


Le sexe lourd de regrets et la bouche pâteuse d’avoir dit le nom de l’amant avec trop d’amour dans la voix. Les seins ne pointant nulle part, pas même vers la déception. La chair rendue sèche, car pétrie par des mains mécaniques. La femme, le matin d’une nuit de merde, d’une nuit d’amour sans amour, se levait avec cette impression de mort sous la peau.


Toujours moi, pendue entre le trop-plein et le vain. Sur la pointe des pieds, de peur de trébucher et de crever pour de bon, pour de vrai, la corde autour du cou, ta graine en pleine gueule. T’aurais peut-être perdu ta seule raison de vivre, si j’avais eu un peu de courage.


La femme, le matin d’une nuit de merde, chuchotait que c’était bon. Taisait que c’était un mensonge. Soufflait qu’elle l’aimait, l’amant, et écoutait l’écho de sa propre voix se répercuter dans le vide, dans le sommeil de l’homme. Puis elle partait, une coupe d’après baise comme coiffure.


J’ai toujours été celle qui te disait je t’aime et qui attendait.
 Quelque chose en retour.
J’ai toujours été celle à qui tu disais je te veux.
Dans mon lit. Pas dans ma vie.
Pas pour la vie.


Le cœur grand, le cœur gros, la femme aurait accepté cette mascarade neuf neuves vies durant.


Je me souviens de toutes ces fois où j’ai été dans tes bras…


Elle se souvient de ce matin-là où elle a parlé trop fort.


… où je croyais t’aimer.


Et où le silence, cette fois, a percé son cœur.


Aujourd’hui, je dors seule. Les mains entre les cuisses, près de mon sexe honteux et décharné, mais libre. Libre.


Maintenant, l’amant est l’amant d’une autre femme.


Je me souviens de cette fois où je suis partie pour de bon. Avec ma corde, pour me pendre ailleurs. Me faire prendre ailleurs.


Et le cœur de la femme, vide d’un nouveau vide, n’aura jamais été aussi léger










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