Poème sale a demandé à 52 auteurs d’écrire sous l’influence du bavardage. Lisez leurs textes du 1er au 28 février 2013. Retrouvez les textes publiés antérieurement dans notre Table des matières
@ : le tatouage d’Ariane Moffatt – @nxiolytique
Se réveiller la chatte mouillée à côté d’un gars barbu avec une chemise à carreaux, tripper sur ses tatouages, refermer les yeux, angoisser parce que demain c’est le loyer, se trouver chanceuse d’avoir mangé des tapas, les meilleurs à Montréal proche du boulevard St-Laurent, penser au nouveau Quartier des Spectacles, écrire trois courriels en deux minutes dans sa tête avant de les envoyer pour de vrai avant de caller off @ job parce qu’aujourd’hui j’suis malade comme une vache, ne pas être une fille pour de vrai, appeler le boss, faire pitié, raccrocher. Inspirer. Expirer. S’enligner vers le café. Prendre la décision. Je ne me tuerai pas aujourd’hui. Niaiser sur Google, s’haïr dans sa peau, sentir le sperme du gars couché dans le lit qui me remonte dans la gorge, ça va trop vite dehors, partout, je ressemble à Moscou en chaleur, le temps a mal, boire une gorgée, tomber sur une photo arrangée de Cœur de pirate contre Ariane Moffatt sur un ring de boxe, ne pas trouver ça drôle, penser au temps pogné dans un @ commercial, vouloir écrire plus vite que ça, chier plus vite, aimer mieux et le plus de monde possible en même temps pour ne pas perdre de temps, ne pas avoir le choix parce que ça presse, c’est la loi, embarquer dans le people, pas le choix, c’est de même.
Prendre une décision, la bonne, choisir sa gang (la mélancolie? la technologie? Cœur de pirate ou Ariane Moffatt?), être salement romantique, choisir son temps, devenir du kitsch, décider de me faire injecter de l’encre comme je me fais gazer à coups de courriels depuis mon arrivée dans le vrai monde, me trouver crissement engagée : un @ commercial direct sur la bouche, sur le sexe, dans mes yeux, partout, pour être vraiment dedans. Penser à toi. Mettre un vieux CD de Goldfrapp pour essayer d’oublier les deux autres.
Écrire des @nxiolytiques en forme de mots contre l’ennui pour éviter de rester seule, me monter un beau grand bateau, dire publiquement des niaiseries qui n’intéressent personne sauf les stalkers, pleurer en silence, être une plante.
S’emparer du couteau le plus aiguisé dans le tiroir à ustensiles, m’enfermer dans le bureau devant mon ordi allumé, vouloir faire ça live, inspirer, expirer, aller pisser là-dessus, revenir m’enfermer dans ma solitude cybernétique.
Jaser pour ne rien dire mais écrire quelque chose pareil sur la fanpage :
« Chère Ariane, aujourd’hui, tu as changé ma vie. Je veux tout, comme toi. »
On a tous la même vie. C’est chien mais c’est légal.
Steph Rivard est le créateur des soirées Présences à la librairie Raffin. Son premier roman, Les fausses couches, sera publié au printemps 2013 aux Éditions de Ta Mère. Sur le blogue de Terreur! Terreur!, il s’appelle SS Latrique ; il y tient le feuilleton « Queer & the Shitty » (une parodie sanglante de Sex & the City en sol montréalais), le projet politico-baroque-moyenâgeux Le Décamoron, écrit en collaboration avec Anne Archet, et la série Rocambolesques en résidence, toujours avec cette MILF. Steph a également été collaborateur pour les magazines Spirale et Zinc.