J – Laurie Bédard

electronic circuits

Poème sale a demandé à 52 auteurs d’écrire sous l’influence du bavardage. Lisez leurs textes du 1er au 28 février 2013. Retrouvez les textes publiés antérieurement dans notre Table des matières



Journal



(ou comment l’intimité ça veut pu rien dire pour toi pis tu passes ton temps à parler de vagins sur Facebook)


On mettra toute la faute sur l’internet. On commencera par se dire qu’avant, avant que tout le monde soit déshumanisé par l’image qu’ils se sont créée pour se faire surveiller par leurs amis Facebook, qu’avant c’était mieux. (On chialera au passage sur le mot déshumanisé.) C’était toujours mieux avant, toujours plus humain, quoi qu’on ait pu faire, quoi qu’on puisse encore dire. On dira qu’on aurait dû jouer dehors, qu’on a oublié comment patiner pendant qu’on s’est trop instagrammés à travers les flocons. Les crisses de flocons qu’on se mettra à haïr parce qu’on en aura plein notre voyage virtuel.


Dans ta cour tu peux pelleter, mais ton newsfeed tu ne peux déneiger.


On dira qu’on aurait dû s’aimer pour vrai avant de se cliquer in a relationship. On se souviendra que de passer son temps à se poker back, c’est comme se dire des je t’aime par réflexe, version cheap. On cherchera des gens de notre âge qui auront jamais écouté de porn. On n’en trouvera pas, évidemment. On se sentira pas mal de s’échanger des sites pour mieux pu savoir comment fourrer comme il faudrait.


On s’obstinera à tenir un journal, on s’achètera des Moleskine, même si c’est cher, même si toutes les feuilles brouillon qu’on sait pas quoi faire avec font la job, on soignera notre calligraphie. Au cas où. Ou cas où quoi? On le saura pas. On trouvera ça donc bien beau pis vintage (ça sera peut-être pas un pléonasme) d’avoir une machine à écrire. On en prendra plein de photos qu’on mettra sur notre Timeline, pour notre éthos de writer qui aime les chats pis le latté. (fuck)


On dira que c’était ben mieux dans le temps, quand il fallait lâcher nos recherches sur les chiens de prairie dans La toile du Québec parce maman devait absolument utiliser la ligne pour parler de toute son lavage à sa mère, pour qu’elle lui réponde que c’est coulant sur les routes. On se dira qu’au moins, elles s’écoutaient le ton de voix à travers leur blabla phatique. « Allô, t’es encore là? Raccroche, toi. Non, toi avant, maman. » On tapera La toile du Québec, pour voir si ça existe encore. On sera pas étonnés de voir que dans les recherches les plus populaires, le monde sont même pas capable d’écrire fellation comme du monde. On pourra pas chialer que la cousine de 12 ans sait pas écrire un mot (sauf peut-être f-e-l-l-a-t-i-o-n) sans faire de fautes connes. On parlera même pas de son utilisation de termes qui existent même pas. (On aura l’impression d’être en retard sur tout, trop vieux pour notre âge.) Ton avatar sur internet c’est pas un miroir quand tu oublies que Yolo ça fait un peu attardé (surtout si t’as 30 ans).


On pensera des grandes affaires qu’on écrira en caps lock sur tous les murs. Ce sera la gu(é-gu)erre. Le nombre de like décidera du grand vainqueur. On s’inventera un pays d’origine, on sera des enfants du mond-e. On le changera à grands coups de memes. Ce sera du sérieux. Live tweets from real life.




Laurie Bédard est étudiante à la maîtrise en littérature pour se consoler d’avoir raté sa carrière de comique burlesque. Entre deux lettres d’amour passives-agressives, elle fait couler des bains et enseigne des règles de grammaire. On dit qu’elle rit trop fort et qu’elle entretient une passion gênante pour les opéras-rock. Elle passe aussi beaucoup trop de temps sur le world wide web.




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