Poème sale a demandé à 52 auteurs d’écrire sous l’influence du bavardage. Lisez leurs textes du 1er au 28 février 2013. Retrouvez les textes publiés antérieurement dans notre Table des matières
ORAL / O-NÉGATIF
Dimanche de Pâques. J’me suis coupé dans la salle de bain. Du sang de batte plein les Levis. Des giclures flash sur l’émail d’la cuvette.
Je t’ai appelée, un nœud coulant dans la gorge en finissant ma pisse sur les revues de chasse de ton père. J’ai eu honte pour toi ma blonde, à l’idée de m’être émasculé dans ta salle de bain un jour de fête. J’ai eu peur aussi, de la marde que ça te donnerait d’expliquer ma mort aux gars de la SQ et au monde à l’école… Ou pire encore, que tu me laisses.
Mais t’es restée calme devant le rouge de ma face, quand t’es rentrée dans la pièce dégoulinante de blood. Ta main baguée sur mon cap. De l’autre, t’as refermé la porte sur le brunch.
J’ai tiré après un cheveu d’enroulé autour, que j’t’ai dit d’une voix tellement fif que si t’avais pas tenu mes couilles dans tes mains, elles se seraient dépochetées de mon corps.
Un long cheveu noir, j’ai ajouté, mes doigts rouillés dans ta crinière coupable.
T’as observé 17 années d’ego fondre dans tes mains, à genoux, éclaboussée de mon malaise. Moi, j’ai pensé à tes parents qui attendaient dans la cuisine. Sans savoir que leur salle de bain Décormag avait été repeinturée par un émule malhabile de John Wayne Bobbitt.
Puis ton rire en cascade est venu fixer la scène. Comme une claque, à faire craquer la céramique.
M’aimes-tu pareil, que t’as dit.
Et là, c’est moi qui s’est mis à rire.
Il y avait du sang partout. Le miroir confirmait ma mutation tardive et je n’avais à peu près rien d’un homme. À demi équeuté devant ta plénitude. Si moi je t’aime? Je boirais la bouteille de Lestoil sous l’évier si tu me le demandais.
Ta main libre contre mon ventre, je bascule hors de mes pensées, le cul dans le lavabo. Je saigne encore quand tu me recueilles dans ta bouche ambulance.
Dans le moment présent, des œufs sèchent dans nos assiettes. Dans le moment présent, je renverse le canard de bois qui tient l’papier de toilette. Dans le moment présent, ça sent le pot-pourri et le Vicks Vaporub. Dans le moment présent, l’eau s’élance en cortège de gouttes dans l’abysse infini du drain. Dans le moment présent, tes yeux me promettent que le pire ne nous arrivera jamais.
J’ai la tête qui tourne. Nous dansons les positions de notre Kâma-Sûtra appris sur le tas. J’ai perdu beaucoup de sang et dégoute encore quand nous apprenons que tu es une femme fontaine.
Nous, mélangés partout, ici et maintenant. Seuls au monde en chiens de fusil dans le bunker de la baignoire, pas d’mots pour se comprendre.
C’est un hommage à l’amour oral, aux bouches, l’hémoglobine et la bave. À la base. Je me rachète pour tout le bavardage. Pour mes idylles Internet, interminables. Pour la Femme Fontaine et la fois où j’ai chié dans mes culottes, en l’abandonnant d’un seul message.
Alexandre Dostie est un beauceron exilé à Trois-Rivières. Il improvise avec le Duo Camaro, genre de rock low-fi / spoken word. Il gueule aussi avec FullBlood, band punk francophone, qui parle de majorettes en morceaux, du plaisir d’avoir un douze à pompe et de la véritable histoire de Pierre Laporte. Quand il arrête de chienner, Alexandre écrit et réalise des ti-films.