Le caillou
Ne tombons pas tout de suite. Je veux grandir en toi. Je veux nager. Ne me laisse pas tout seul avec le petit sucre de ta peau. Le caillou brûle ma gorge. Je te fais mal. Je t’écrase. Tu as besoin que je t’écrase. Nous marchons d’un bord à l’autre de la nuit. Nous attendons. Nous fumons le caillou. Il y a des éclairs dans nos frissons. Des fusées froides puis brûlantes. Des rues vides. Nous marchons d’un bout à l’autre. L’univers est vide. Nos yeux sont des têtes d’aiguilles. Toute la ville est à nous. Couche-toi sur la route. Assieds-toi près de moi. Regarde c’est ma peau. On dirait qu’elle ne m’appartient pas. Je te la donne. Je te donne mon visage. Je te donne mes chaussures. Je me transforme en marbre. En caveau. En ordure. La nuit n’a pas de fin. Elle a des bords pointus. Elle a des tranches sur lesquels nous laissons des petits morceaux de nos viandes. Regarde, la nuit dure. Le bitume a la consistance de la mousse. C’est comme de la moquette. Et tes cheveux. On dirait qu’ils s’envolent. Qu’ils flottent autour de toi. J’ai envie de vomir. Puis de lécher la peau blanche de tes hanches. Puis à nouveau de vomir. Tu ris. Tu tombes par terre. Ton nombril est immense. Je sombre à l’intérieur. Tes joues rouges. La pierre froide. Le monde est une piscine couverte. Bassin bleu électrique. Pas de maillot qui me gêne. Pas de carrelage froid. Pas de graisse qui dépasse. Nous nageons à la surface du grand vide. Tes joues rouges. La lune froide. Tu peux t’appuyer sur moi. Je voudrais qu’il ne finisse jamais ce moment où les vitres se brisent.