pRELUDE
C’est un jeu, mais l’important est de le continuer. Étant mis en échec, vole des pièces à ton adversaire & peins-les en noirs. Laisse-lui te réexpliquer patiemment les règlements, en tenant comptes des contradictions, tout en lui disant que tu aimes sa voix. Introduis des pièces de Monopoly au jeu, place la brouette sur le carré avec son roi, demande un paiement de cinq cents dollars. S’il t’ordonne d’aller directement en prison alors prend le serpent et non l’échelle. Tombe au sol de la prison et fais-toi l’amour dans les flaques. Danse jusqu’à découdre tes souliers. Chante la bastringue pour le Diable. Mange chaque pomme qui t’est offerte.
mARIE dES éGOUTS
Marie au voile bleu ciel, riant,
avec une cravate de cadavres.
O sourcils de vinyle nuageux. O cheville ornée de coquillages.
O lacet qui gigote, pris dans la gorge d’une mésange.
Je sais, Marie, pourquoi les divas de minuit,
ces salopes, suivent notre piste.
Nous sommes putes qu’avec nous-mêmes.
Elles préféreraient pine ou plotte escamotable
quelqu’un de propre qui vit sans miroirs
ou pour quelques instants, dans des salles de bal façonnées de miroirs.
Quelqu’un qui nous rejette, ou prétend faussement qu’il le fera, sans jamais rappeler.
Nous sommes comme des égouts près de l’océan.
Rouillés, solitaires, pouvant continuer à l’infini.
Vous êtes si réelles;
O fainéantes nuits des rues.
Pourquoi viens-tu en faisant le signe de paix
alors que t’es démoli?
Marie, pourquoi arrives-tu
juste quand
je devrais aller au lit?
O Marie, je sais que des anges
ont déconné avec ma tête.
Je m’en fous maintenant.
J’aime le jukebox,
le barman qui me flatte,
les jeux vidéos. Je m’en fous, je m’en fous.
Laissons les avares prendre tout ce que je voulais partager.
Tu es le manteau de fourrure que j’ai toujours voulu porter.
Jacuzzis de champagne
au-dessus de nos films privés.
Un teint préféré de mascara, le même tatouage de poignard.
sTRIP tEASE dU cONTRÔLE
Bring Down the Clown.
— anonymous poster
Tu m’arraches ma vie secrète
mes pensées passagères, mon destin timide à moitié découvert.
J’enlèverai mon chandail.
Tu fais comme si
j’étais ton beau petit jouet.
Tu avais trop de belles choses
& voulais les écraser.
Pourtant je m’attarde sur ces croquis, amoureusement.
Accorde une fine attention à un endroit nuageux
juste en bas d’un mamelon gauche.
Coup, justification, coup.
Ceci est notre monde, mon ami
nos actes cachés dans nos actions.
Mots cadenassés, regards endurcis
une métaphore de l’impératif.
Un roi diabolique nous regarde depuis les placards.
& je n’aime pas la sensation de tes mains.
& ces mots ne sont pas amants.
Ils ne sont même pas ennemis.
lE cHÂTEAU dE pONEY
« I feel like a castle just dropped on me & I just kept on walking. »
– one of the voices
Mes gangsters dansent comme des ballerines dans la cour intérieure rose-noire.
Ils sont nos gardiens, notre vengeance, leurs cravates
nouées sévèrement.
Des vignes de tomates s’enroulent autour
des variantes sculptées d’après une masse de dieux disparus.
Les animaux ne cessent de nous regarder sans remuer leurs bouches.
Nous sommes longs, torses nus, lumineux, changeants.
Nous marchons droits sur les sentiers des jardins avec la dignité des lézards.
Là où des saints pur-sang en costumes de lapin
encerclent et tabassent des mannequins impassibles.
Lorsque vaches & boeufs brûlent dans une technologie de champs sinistres.
Des cercueils chics roulent à toute vitesse sur l’hémisphère ouest
& tous les bons robots sont exilés du champ de citrouilles.
Que la terre doive crier pendant mille ans
semble tout à fait approprié et naturel.
Les évènements se construisent sur eux-mêmes mais aucune porte ne s’ouvre. Les choses prennent force.
Puis nous entrons ici comme les messagers secrets du matin
rétrécissant au travers la structure osseuse d’un visage aux yeux contusionnés.
Il y a des coussins de velours dans les chambres en haut.
Tu visites ma bibliothèque en fusée. Je marche toujours dans tes rêves
inconscient & intact. Mes rêves apparaissent toujours
entre les fissures numériques des films à grands budgets.
Tu réalises toujours des films avec la pure force
de ton visage qui se concentre au déjeuner.
Les calices débordent sans cesse de jus d’orange & de toast brûlées.
Notre art liquide illumine les fenêtres.
Je suis hanté par des pressentiments.
Tu es muni d’un
lecteur de disquettes qui tisse les souvenirs de
la chair du cœur de trois enfants morts dans un sous-sol oublié.
Les tours nous entourent.
Je me tiens près d’un piano accordé avec les entrailles de mes violences.
Les domestiques de la royauté m’aiment tout d’un coup.
Malgré mes pieds sales
encore une fois, cette fois pour de vrai,
j’apprends à chanter.
qUELQUES iDOLES pOP tOURMENTÉES
«It’s all over now, Baby Blue.» — Bob Dylan
Woody Guthrie patiente
en détention prolongée
lavant ses chaussettes
dans un bain de ciment
cul-nu sur un banc.
& là-bas
dans la cours clôturée du point d’arrêt
Bruce Willis lâche sa pioche
& se tient là sans pantalons.
. . . pendant que Janis Joplin
ayant aspergé d’essence à briquet
le BBQ brûlant et rouillé
émerge d’un nuage rosé illuminé par l’aube
ses orbites lisses et vernies comme des os
& pisse dans le feu.
Poèmes originalement publiés chez Insomniac Press en 2002 dans un recueil intitulé lATE cAPITALIST sUBLIME.
Notices biographiques
Ryan Kamstra est un poète, performeur et auteur-compositeur torontois né en 1975. Certains de ses poèmes furent publiés dans des anthologies au Canada, en Angleterre et aux États-Unis. Il a organisé et collaboré à de nombreux projets d’activisme communautaire et artistique. Il tient actuellement le blogue Parkour. Il a également publié deux recueils de poèmes, plusieurs disques, et termine actuellement l’écriture de son premier roman.
Ian Lauda est un poète Montréalais Né en 1979. Il a publié Ouvrir, un recueil de poèmes aux éditions du Noroit, en 2010.
Vanessa McGivern est né en 1986 à Kamloops en Colombie Britanique. Elle s’intéresse de près à la linguistique. Elle fait ici ses débuts en tant que traductrice.